Lune

Il était de ces nuits où le soleil semble ne jamais vouloir se lever. La lune, dans son trône de ténèbres, surplombant la forêt, semblait me fixer, un sourire narquois aux lèvres.
Courant à travers bois, les branches écorchaient mon corps, se dressant contre moi, complices de cet astre. J’avais la sensation que la forêt toute entière se resserrait pour m’emprisonner entre ses bois. La terreur me gagnait à mesure que je courais, et les pas derrière moi se faisaient plus lourds et plus proches à mesure que je m’éloignais.

Lorsque j’atteins enfin l’orée de la forêt, le silence tomba sur le monde. Essoufflée et épuisée par ma course effrénée, je tournais sur moi-même, haletante, pour me retrouver face à un néant absolu. La lune avait disparu derrière la cime des arbres et la nuit avait revêtu son aspect originel, poudré et enveloppant. Les pas avalés par ce néant, semblaient n’avoir jamais été réels, et je pensais m’être peut-être laissée emporter par ma peur du noir. La voiture tombée en panne à trois kilomètres de la maison, le raccourci par la forêt après une soirée interminable, la brume d’automne qui régnait en cette nuit de pleine lune, la panique et la fatigue qui me firent perdre mon chemin et faire des détours ; mon imagination s’était probablement emballée au son d’une brindille craquant sous les pas d’un animal.

Je me dirigeais vers la maison, toujours haletante et en alerte malgré mes tentatives pour me rassurer. Regardant autour de moi et pressant le pas, ce n’est qu’une fois la porte verrouillée que je pus enfin respirer. 
Allumant la lumière et enlevant mon manteau, je me trouvais ridicule. Réagir comme une enfant à plus de trente ans, rentrant aux aurores, mes vêtements déchirés, ma peau recouverte d’écorchures et d’hématomes, était aberrant.
À bout de force, me dirigeant vers le salon, je me figeais sur place. Face à moi, derrière la fenêtre, la lune disparaissait doucement, et c’est sous son sourire s’élargissant que j’entendis la porte s’ouvrir lentement. Paralysée par la peur et les yeux injectés de terreur, j’entendis de nouveau ces pas lourds avançant calmement vers moi. J’eus simplement le temps de distinguer les premiers rayons du jour avant d’entendre une voix glaciale et rieuse me dire « bonne nuit ».

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