[ Petite histoire écrite dans le cadre du writober 2021 grâce à la merveilleuse liste de L’Ancrière.]
À travers ses yeux, le monde semblait magnifique.
Simon n’avait aucune mémoire, il redécouvrait chaque jour le monde qui l’entourait. Bien sûr, il se souvenait de sa vie, de ses amis, de sa famille, de ce qui faisait de lui qui il était ; mais il semblait que la nuit venue, une fois ses paupières closes, son esprit oubliait à quoi ressemblait la Terre. Chaque jour comme un nouveau venu dans notre monde, il s’exclamait sur la beauté de ce dernier. Le ciel lui semblait chaque jour plus grand et plus bleu, le soleil plus chaud et plus brillant, il s’émerveillait de la forme des nuages qui donnent au monde des allures de peinture, ou devant les nervures des feuilles, réseau miniature, et pourtant immense, de transport de vie.
» Comment ai-je pu ne pas le remarquer avant ? » se demandait-il toujours. La véritable question pour le commun des mortels était plutôt : » comment fait-il pour toujours le remarquer ? « . Alors que la plupart des gens ne voient plus la vie, lui, la redécouvrait constamment.
Simon se faisait souvent moquer pour son côté décalé, naïf et émerveillé. Ses amis lui disaient toujours qu’il n’avait aucune mémoire, que comme tous les jours le soleil se levait à l’est et se couchait à l’ouest, que le ciel était toujours aussi immense depuis que le monde est monde, et que le soleil brillait à la même intensité avant leur naissance et continuerait bien après leur mort. En définitive, le monde était toujours le même et il n’y avait rien d’extraordinaire.
Ce jour-là, Simon était justement dans un parc avec des amis. Et ce jour-là, comme toujours, il s’exclama de la beauté du monde, et ses amis rirent. Mais une chose se produisit, un jeune homme, que Simon n’avait encore jamais vu avant, dit quelque chose de différent, quelque chose que Simon n’avait encore jamais entendu, ni même pensé, quelque chose qu’il ne pourrait jamais oublier :
– Tu as de la chance de voir la beauté du monde tous les jours, là où nous, qui nous targuons d’avoir une mémoire, ne sommes plus capables de rien voir. J’aimerais voir à travers tes yeux, j’aimerais être un homme sans mémoire …
Lilou