On ne se connait pas encore assez pour que vous le sachiez, mais J’ADORE les challenges de lecture. La plupart du temps c’est un échec parce que mes pal sont bien trop énormes, mais j’aime chercher des livres, tordre la réalité pour les faire rentrer dans les cases (on l’a tous fait, ne mentez pas). Alors imaginez mon bonheur lorsque fin janvier, la pétillante Alex de la chaîne Youtube « Alex bouquine en Prada » a annoncé le challenge « fais vriller ta pal » (que je prononce toujours « fais vriller ta paille ») ; un challenge un peu particulier, à la fois fou et si logique : lire un livre par jour au mois de février.
Grande amoureuse des livres j’ai voulu tenter l’aventure, malheureusement des imprévus m’ont empêché de réussir le challenge, mais je tenais tout de même à vous présenter les quelques livres que j’ai réussi à gober.
Livre 1 : L’étrange histoire de Benjamin Button de F. S. Fritzgerald

Je pense que tout le monde connait l’histoire de Benjamin Button, notamment parce qu’il y a eu une adaptation cinématographique avec Brad Pitt et Kate Blanchett, mais au cas ou : on suit dans cette courte nouvelle l’histoire de Benjamin Button qui naît vieux et meurt bébé.
J’ai tenu à lire le livre car je me souvenais avoir adoré Tender is the Night de il y a maintenant plusieurs années et j’avais très envie de retrouver cette plume à la fois poétique et très noire que j’avais tant aimé. J’ai donc lu la version originale et je dois avouer que je n’ai pas du tout aimé. C’est une histoire profondément dérangeante, très noire, avec une ambiance très pesante du début à la fin. En revanche, si je n’ai pas aimé l’histoire, j’ai retrouvé la douce folie de Fitzgerald à travers non seulement ses mots, mais aussi l’univers qu’il dépeint. Il fait parti de ces rares auteurs qui, malgré la noirceur, parfois même l’horreur de leurs textes, nous laisse un souvenir agréable à la fin de notre lecture grâce à leurs mots justes et doux.
L’étrange histoire de Benjamin Button est un livre qui bouleverse notre vision de la vie et nous laisse dans un état de paralysie cérébrale pendant quelques instant une fois le livre clôt.
Livre 2 : Les combustibles de Amélie Nothomb
[TW misogynie, mort, guerre]

Après Benjamin Button j’ai décidé de lire un livre que j’étais sûre d’aimer, un livre un peu bizzard et perché, à l’image de son autrice, mais duquel je ressortirais apaisée et heureuse, mais …
Pendant un hiver particulièrement froid, dans un pays indéfini, à une époque indéfinie, nous suivons la vie de trois personnages : le professeur, Daniel et Marina. Ce court récit est un huit clos dans la bibliothèque du professeur, pièce dans laquelle ils tentent d’alimenter le poêle par tous les moyens possibles : chaises, bureaux, journaux, tout y passe ; mais quand il n’y a plus rien d’autres à brûler, quel livre veut-on réellement sauver du bûcher ?
Je pense que ce qui me choque le plus est que j’ai adoré ma lecture. J’ai vraiment gober ce livre qui nous plonge dans l’horreur de la guerre, mais aussi de l’homme. Ce qui est à la fois intéressant et perturbant est que je ne me suis pas rendue compte de cette horreur, pourtant manifeste, lors de ma lecture ; je ne l’ai vraiment saisi que lors des derniers mots. Je me souviens que j’étais attirée par la noirceur qui se dégageait de ce texte et que malgré les actes et les mots, je ne voyais pas la réelle ignominie qui se déroulait pourtant sous mes yeux. Jusqu’à cette lecture je ne comprenais pas l’expression « magnifier l’horreur », comment trouver beau quelque chose d’abominable ? Puis j’ai fermé le livre et mon cerveau a de nouveau explosé. Est-ce que j’aime faire du mal aux gens ? Les voir souffrir ? Comment ai-je pu aimer ce livre ? Comment je peux aimer ce livre ?
Je pense faire un article à part pour ce récit qui m’a profondément troublé, une fois que j’aurais réussi à mettre des mots sur cet ovni.
Livre 3 : Beyond the clouds de Nicke
[TW sang]
Enfin de la douceur, de la vraie, un véritable nuage en barre.

Dans la Ville Jaune, où plusieurs espèces vivent ensembles, nous allons suivre le quotidien du jeune Théo dans un atelier de réparation. Théo est un rêveur, un bricoleur, un inventeur, un garçon adorable à l’âme d’aventurier qui s’ennuie et voudrait parcourir le monde. Sa vie si banale va être chamboulée par sa rencontre avec une petite fille blessée, mais surtout ailée. Malgré toutes les espèces cohabitant dans le Ville Jaune, aucune n’a d’ailes, et après son accident, Mia, l’inconnue, ne se souvient de rien. La mission de Théo commence alors : trouver d’où vient Mia.
Pour ceux qui seraient allergiques aux romances ne vous en faites pas, il n’y en a pas dans ce manga. Par contre un lien très fort se tisse entre Mia et Théo, un lien fraternel entre le sans-famille et la sans-mémoire : tout doux je vous dis.
Les personnages secondaires ont tous un « pète au casque », mais sont terriblement attachants, entre Monsieur Chiruwa probablement ceinture noire de lancée de clés anglaises, Marie la couturière/justicière, Bingo son acolyte, ou encore Hotch, le super meilleur ami de Théo.
Les dessins sont vraiment très beaux, la quatrième de couverture nous dit d’ailleurs : « A mi-chemin entre les films Ghibli et le monde de Final Fantasy », ce qui est excessivement exact.
Le tome 3 est sortie le 05/03/2020 donc vous ne serez pas en PLS comme moi à attendre la sortie des tomes 2 et 3.
Livre 4 : La beauté tôt vouée à se défaire de Yasunari Kawabata
[TW mort, meurtre, funérarium]

Je ne pense pas m’attarder sur celui-ci car … La quatrième de couverture indiquait, je cite : « La Beauté, tôt vouée à se défaire est une œuvre rigoureuse qui n’a pas du tout vieilli. Et je crois que si elle n’a pas vieilli, c’est sans doute à cause de la sérénité qui s’en dégage. Je me demande où l’auteur arrive à trouver cette tranquillité artistique.«
Imaginez alors ma surprise quand je me suis retrouvée face à deux nouvelles plus dérangeantes et glauques l’une que l’autre …
La première nouvelle se nomme « le bras », on suit l’histoire d’un homme qui ramène le bras d’une femme chez lui et passe la nuit avec celui-ci. Oui, oui, un bras, juste un bras. Dérangeant n’est-ce pas ? Mais la prochaine nouvelle sera probablement radicalement différente, non seulement parce qu’elle a un nom très beau, mais aussi parce que la quatrième de couverture évoque la « sérénité » et la « tranquillité ». Spoiler alert : la deuxième nouvelle est pire que la première. J’ai donc abandonné ma lecture, je ne peux dès lors pas réellement faire de critique. Ce n’est pas dans mes habitudes, mais je dois avouer qu’une histoire qui commence par un homme qui se rappelle avec bonheur le bruit des corps de deux adolescentes dans un incinérateur, m’a vraiment heurté et écœuré.
Livre 5 : La neige en deuil de Henri Troyat
[TW fétichisation, hypersexualisation, racisme, misogynie, validisme]

Dans ce livre, nous découvrons la vie de Isaïe dans un village reculé et isolé des Alpes. Autrefois guide de montagne, Isaïe eut un grave accident lors d’une randonnée qui l’handicapa intellectuellement. Aujourd’hui il est simple berger et reste loin des sentiers car la montagne lui fait peur. Il vit avec son petit frère, Marcellin, qui a lui aussi des séquelles, liées à la guerre cette fois-ci.
Un terrible accident d’avion en provenance de l’Inde s’est produit au sommet des montagnes, d’après les autorités il n’y aurait aucun survivant, mais Marcellin, convaincu qu’un trésor se trouve parmi les débris, demande à son frère de l’aider à monter piller l’avion. Commence alors un long et dangereux périple avec comme destination la folie des hommes.
Je ne sais pas très bien comment décrire ce livre. Il est bien écrit, mais date de 1952 et je pense que c’est pour ça que beaucoup de choses ne passent plus. Les descriptions des paysages sont belles et vraiment immersives, mais les personnages sont tous immatures et violents, même Isaïe.
Il y a dans ce livre des choses à prendre, comme la sérénité qui se dégage de la vie de berger d’Isaïe, ou encore ce que j’ai personnellement perçu comme une critique du validisme. Evidemment à l’époque le terme n’existait pas, et j’ai peut-être mal interprété, mais Isaïe est le personnage principal du roman et tout est fait pour que les moqueries et les insultes à son égard soient mal reçues par le lecteur ; tout est fait pour montrer sa bravoure, sa détermination et son ingéniosité.
Je pense que ce livre est représentatif d’une époque, d’une façon de penser, d’un mode de vie bien trop éloigné du mien et que, certainement comme beaucoup d’autres livres, il a mal vieilli.
Livre 6 : Ru de Kim Thuy
[TW racisme, validisme, mort]

Kim Thuy écrit ici une sorte d’autobiographie sous forme de pensées, de souvenirs. Elle raconte sa vie en tant qu’immigrée vietnamienne.
Née à Saïgon en 1968, pendant l’offensive du Têt (campagne militaire vietnamienne, durant la guerre du Vietnam, visant au soulèvement de la population contre le régime), elle fuit le Vietnam avec sa famille l’année de ses 10 ans et rejoint le Canada, pays dans lequel elle grandira, fera ses études et vivra.
C’est un récit qui m’a troublé par la douceur de sa plume, mais aussi par l’horreur qui y est décrite. Bien sûr, il y a des passages, drôles, des passages émouvants, mais c’est avant tout une autobiographie, et étant une boat people, Kim Thuy a connue la traversée de l’océan entassée avec des dizaines, voire des centaines d’autres personnes dans un bateau, les mois de transit passés dans un « camp de réfugiés » en Malaisie.
On y découvre une personne très introvertie, une personne qui appartient à deux pays mais ne s’identifie à aucun (c’est elle qui le dit, aucune interprétation de ma part). On y découvre une réalité trop souvent lissée, voire effacée, et on se demande comment quelqu’un peut survivre à ça.
Cependant, si j’ai trouvé ce livre globalement beau et important, je tiens à avertir que le traitement des personnes handicapées ou autistes peut heurter (d’où le TW validisme au début).
Je conseille également d’écouter la chanson Saigon de George Ka qui fait énormément écho à cet écrit selon moi : https://www.youtube.com/watch?v=To5wgj9mMnQ
Je n’ai malheureusement pas pu lire plus, je pense retenter le challenge l’année prochaine (un jour en moins, donc un livre en moins), mais j’ai aimé participer. Je me suis ouverte à des lectures éclectiques et pour certaines inattendues. Il y a eu du bon, comme du mauvais, et au final j’ai quand même 6 livres en moins dans ma pal, c’est déjà ça.
Pour l’instant je n’ai pas spécialement de challenge en vue, donc si vous avez des idées, des recommandations, n’hésitez pas.
J’espère que cet article vous a plu.
A bientôt