« Comme si les chemins familiers tracés dans les ciels d’été pouvaient mener aussi bien aux prisons qu’aux sommeils innocents. »
Meursault, L’Etranger, Albert Camus

Résumé :
Meursault mène une vie tranquille et ennuyeuse à Alger. Il a une petite amie, des copains, un travail, un chez lui, tout ce qu’il lui faut en somme. Il n’attend d’ailleurs rien de la vie, il la suit tout simplement.
L’histoire débute par un télégramme, sa mère est morte, pourtant aucune réaction de sa part. Cette passivité chronique l’accompagnera tout au long du roman, jusqu’aux dernières heures de sa vie.
Mon avis : [Spoilers]
Un livre assez court, qui m’a pourtant paru interminable, divisé en deux parties. D’abord la vie paisible de Meursault à Alger, ses amours et ses amis ; puis sa vie après le drame.
Si la première partie semble un peu longue à cause de la passivité et du désintérêt total de Meursault pour la vie, le travail de description, lui, est extraordinaire. Les paysages dépeint sont magnifiques et permettent de faire patienter le lecteur [car après le meurtre, l’histoire va sûrement démarrer, Meursault ne peut que se réveiller ! Mais il n’en est rien. Il y aura un brusque et brutal sursaut de vie de sa part lorsque le prêtre viendra le voir avant son exécution, mais rien de plus.]
En revanche, il serait dommage de s’arrêter là et de décider que le personnage ainsi que l’intrigue sont mornes et insipides. C’est justement cette monotonie assommante qui rend ce livre si intéressant. Les phrases courtes, le rythme saccadé, le vocabulaire d’une platitude écrasante ; et pourtant, malgré ce vide, ce plat, ce néant, cet ennui, les mots aussi fades soient-ils, sont saisissants.
Le livre s’ouvre sur cet incipit :
« Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. »
Cette citation résume, selon moi, à la perfection le personnage de Meursault, ce qu’il ressent, ce qu’il vit, ce qu’il représente : la mort.
Tout au long de ma lecture j’ai eu cette pénible et presque douloureuse sensation de noyade. Je crois qu’à l’image de Meursault je manquais d’air, de vie.
Toutefois, Camus arrive à apporter du relief à son récit grâce au contraste des différents personnages : l’ombre et la lumière.
Il va de soit que Meursault représente au mieux la désillusion, au pire la mort, mais Marie (sa petite amie) au contraire est éblouissante, incarnation de la vie. De même, Raymond, Céleste et Masson (amis de Meursault) transpirent la loyauté tandis que le directeur et le concierge de l’asile ainsi que Thomas Pérez (compagnon de la mère de Meursault) représenteraient plutôt le jugement. On remarquera cette opposition systématique et presque manichéenne. Pourtant, malgré la part de lumière et de vie qui se dégage de certains personnages, les ténèbres semblent l’emporter au travers des mots.
Enfin, c’est en partie Meursault, cette coquille à première vue vide, qui permet à Camus de donner de la profondeur, du relief et de l’originalité à son histoire. En effet, sans ce désintérêt démesuré du personnage principal pour la vie, ce récit ce serait probablement noyé parmi les histoires d’hommes à la vie rêvée, dont le destin a brusquement basculé. C’est pour cette raison que je crois sincèrement que L’Etranger mérite d’être lu, pour le travail et l’ingéniosité de son auteur.
Pour finir, je n’ai pas spécialement aimé ce livre lorsque je l’ai lu, mais j’ai appris à l’apprécier en tentant de le comprendre.
C’est ce que j’aimerais vous permettre de faire vous aussi ; prenez le temps, un peu plus tard, de vous poser et de réfléchir sur le récit parcouru. Pourquoi l’avez vous aimé, ou non ? Qu’est-ce qui vous a heurté, touché ? Avec un peu de recul, avez vous toujours le même sentiment envers cette lecture ? Vous vous rendrez compte que parfois, une lecture au goût amer peut devenir un souvenir adouci, peut-être même agréable. La tendresse des mots réside parfois dans les détails …
J’espère que cet article vous a plu,
A bientôt.